Mystère à Pâques
"C'est un mystère dont chacun peut écrire la fin."
Les événements de Pâques pourraient se lire comme les péripéties d’un roman policier ou hélas comme le symbole de ce qui trop souvent se passe dans notre monde.
Il y a d’abord le meurtre à Jérusalem, un meurtre particulièrement atroce puisque la victime, après avoir été torturée, a été clouée sur une croix jusqu’à ce qu’elle meure après une terrible agonie. Le procédé n’est pas très original pour l’époque, il est réservé à ceux qu’on veut humilier.
Il y a ensuite la victime, Jésus, le fils adoptif d’un charpentier, Joseph, et de Marie qui l’a conçu hors mariage. Il ne fait guère parler de lui jusqu’à ce que, vers la trentaine, il commence à parcourir le pays en parlant de fraternité et de vie éternelle. Ce qui est remarquable chez lui, c’est qu’il accorde toujours ses actes à ses paroles et qu’il fait toujours du bien à ceux qu’il rencontre (le bruit court même qu’il aurait guéri des aveugles et purifié des lépreux). Bref, c’est un marginal, un vagabond, qui n’a pas l’air de comprendre grand-chose à l’ordre social.
Parlons maintenant du mobile. La seule faute de Jésus a été de déranger les autorités religieuses et politiques en place en proclamant la primauté de l’Amour sur la Loi et l’égale dignité de tous les êtres humains, les femmes comme les hommes, les enfants comme les adultes, les prostituées comme les notables, les pauvres comme les riches, les estropiés comme les bien portants, les natifs du pays comme les étrangers…. Pas étonnant qu’il ait accumulé contre lui pas mal de haine. Où irait-on en effet si on se mettait à s’occuper des pauvres, à respecter les personnes handicapées, à accueillir les étrangers et à donner des droits aux femmes ?
Il y a enfin les meurtriers : les autorités religieuses, politiques et financières de l’époque. Ce meurtre est un crime d’Etat. Sentence, il y a eu, mais cette sentence n’a rien à faire avec la justice. Mais l’enquête montre également que ce crime n’a pu être commis qu’avec la complicité de la foule. Comme souvent.
Voilà, l’histoire pourrait s’arrêter là. Pas très palpitante finalement puisqu’on sait tout de suite qui sont les coupables, ils ne se cachent même pas !
Mais à cette première affaire, s’en ajoute une seconde : trois jours après sa mort, le corps de Jésus disparaît ! Les femmes de son entourage qui sont venues se recueillir sur son tombeau le trouvent vide.
C’est là que l’affaire se corse.
Les femmes croient d’abord qu’on a volé le corps de Jésus. Au crime se serait ajoutée la violation de sépulture. Là encore, c’est un procédé courant des bourreaux : pas de corps, pas de crime, silence, y a rien à voir.
Mais voilà que Jésus revient visiter ses amis ! Il n’était donc pas mort ? Ce crime était un faux, une supercherie ? Ou alors, Jésus a un jumeau qui se fait passer pour lui ? Ses amis pourtant le reconnaissent et même celui qui doute le plus, Thomas (à lui, on ne la fait pas), se résout à admettre que c’est lui quand il touche les blessures de ses mains et de ses pieds. Ce qui au passage prouve qu’il n’est pas un fantôme, une sorte d’hallucination collective : un fantôme ne se laisse pas toucher et puis il ne mange pas (en l’occurrence du pain et du poisson) avec ses amis. Au passage, Jésus modifie son nom : il devient le Christ, le Seigneur. Certains l’avaient déjà appelé comme ça avant sa mort, c’était un indice, mais comme souvent, on n’y a pas fait attention. Voilà qui est encore plus énigmatique que le mystère de la chambre jaune !
Et précisément, c’est un mystère dont chacun peut écrire la fin.
Première option : les témoins interrogés ont dit la vérité et le crime s’est retourné contre lui-même. Non seulement la victime est sauvée mais tous ses proches avec elle, et même tout le monde. C’était ça la clé de l’énigme : la Résurrection. Ce n’est pas la mort qui a le dernier mot, mais la vie. A partir de là, l’histoire peut continuer, c’est celle des chrétiens. C’est celle de la rencontre de l’humanité avec Jésus le Christ qui n’est pas prête d’être achevée. C’est celle d’une responsabilité : œuvrer pour porter la parole de Jésus-Christ afin que le monde soit toujours plus fraternel et plus juste, pour construire le Royaume de Dieu.
Deuxième option : tous les amis de Jésus, et il en avait bien davantage que douze comme on veut parfois le faire croire, et sa famille se sont donnés le mot pour tous mentir, puis d’autres après eux, et l’affaire du tombeau n’est qu’une fable : fin de l’histoire.
Fin de l’histoire, vraiment ? Pas sûr. Car même si on n’est pas chrétien, on peut se dire que ce qu’a dit Jésus aux Hommes mérite d’être écouté et répété. Pour que plus personne ne soit torturé ou mis à mort. Pour que la justice soit respectée. Pour que l’égale dignité des êtres humains soit reconnue. Pour que la foule ne reste pas passive devant l’inacceptable… Pour que dans nos vies, l’échec, la résignation, l’intolérance, le mépris, n’aient pas le dernier mot. Pour que genoux à terre, nous trouvions la force et l’espérance de nous relever… de ressusciter.
Pâques, c’est ça : faire l’expérience, en Christ pour les chrétiens, d’être un homme ou une femme debout et croire que pareillement chaque femme, chaque homme, quelles que soient les épreuves qu’il traverse, a vocation à se relever.
Ecrit par Florence Fourré